Le Pays innocent : un conte futuriste

La pièce s’ouvre sur l’interrogatoire d’une femme (Olivia Chatain) accusée d’infanticide. Face à elle, assise derrière son bureau, la Juge d’instruction (Caroline Gonin) lui demande : « Pourquoi avez-vous jeté votre enfant par la fenêtre ? ». Avec cette phrase terrible, la première réplique du spectacle, on plonge dans une énigme qui sans réponse. On ne saura jamais pourquoi cette maman a priori affectueuse, aimante a jeté son enfant de cinq ans par la fenêtre depuis le 8^ème étage. Elle expliquera qu’elle voulait le faire passer de « l’autre côté du trou noir » pour atteindre le Pays innocent. Auparavant, elle l’avait soigneusement habillé d’une combinaison spatiale, d’un casque et de gants, lui avait fait avaler des pastilles d’iode afin de le protéger des radiations. Cette femme, a-t-elle tué son enfant ? L’a-t-elle sauvé ? L’enfant, est-il dans un autre monde ?

©  Simon Gosselin : Olivia Chatain et Caroline Gonin dans Le Pays innocent, texte et mise en scène de Samuel Gallet.

À partir d’une enquête judiciaire, Samuel Gallet imagine un périple à travers le temps et l’espace qu’il met en scène avec un minimum de moyens. Sur un mur, on voit la fenêtre d’où l’enfant a été jeté. Le vent qui fait bouger les rideaux nous rappelle la tragédie qui vient de se passer. Sur le plateau vide, il y a juste les éléments indispensables à la scène qui se joue (arrivée du SAMU, reconstitution de l’infanticide, autopsie du médecin légiste etc.…) et, deux instruments de musique : l’onde Martenot de Nadia Ratsimandresy et la contrebasse de Mathieu Goulin. Comme dans tous les spectacles du Collectif Eskandar, la musique joue un grand rôle. On est donc dans le minimalisme. Il suffira d’un peu de poussière noire s’échappant des cintres pour nous transporter dans le cimetière où repose l’enfant. Plus tard, ce sera de la neige qui tombe sur Wilfrid, le légiste (Gauthier Baillot), désormais seul dans sa cabane. L’écriture de Samuel Gallet est poétique, avec des notes d’humour. Et sa mise en scène procède par métaphores. L’imaginaire, le rêve se superposent sans cesse à la réalité.

Avec le petit spationaute (Fabien Chapeira), le jeune héros de cette odyssée onirique, un enfant officiellement déclaré mort, on franchit les frontières du réel, on voyage à travers des forêts mystérieuses avec des arbres gigantesques. On entre dans un autre monde, le « pays innocent » où vit un peuple de géants et qui ne connaît ni la guerre, ni la cruauté. Pour la juge et le médecin, la rencontre avec l’enfant est comme une sorte de quête initiatrice qui les fait abandonner leurs certitudes et leurs analyses rationnelles. Passeront-ils eux aussi « de l’autre côté du trou noir » pour accompagner l’enfant sur son chemin ?  C’est une belle histoire d’amitié, d’empathie. Et, un voyage plus mélancolique qui nous raconte la tragédie d’un enfant et de sa mère. Est-ce que ces deux-là se retrouveront ?… Nos questions restent sans réponse.

Le Pays innocent de Samuel Gallet est publié aux Éditions espaces 34 (Collection Théâtre) –

Création le 16 octobre 2024 à la Scène Nationale du Mans, Les Quinconces & L’Espal.

Tournée : Théâtre de Rungis (94) le 28 novembre 2024 ; Théâtre 145 (TMG) à Grenoble (38) le 3 décembre 2024 ;  Théâtre André Malraux à Chevilly Larue (94) le 14 janvier 2025 ; Théâtre de Châtillon (92) le 17 janvier 2025 ; Centre culturel de la Courneuve à Houdremont (93) le 24 janvier 2025 ; Théâtre des Bergeries, Noisy-le-Sec (93) le 31 janvier 2025 ; Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis (93) du 6 au 14 février 2025 ; L’Arc – Scène nationale du Creusot (71) le 20 février 2025 ; Théâtre La Joliette à Marseille (13) du 7 au 10 mai 2025 ; Festival DSN – Scène nationale de Dieppe (76) le 15 mai 2025.